mercredi 22 septembre 2010

Mandriva, le Brésil et la Russie

L'éditeur de la distribution Linux éponyme parie sur les marchés d'équipement des administrations et de l'éducation du Brésil et de la Russie. C'est ce qu'a annoncé le PDG Arnaud Laprévote au cours d'une conférence le 21 septembre 2010 à la Cantine, à Paris. Selon le dirigeant, les craintes d'abandon de la distribution communautaire ne sont pas fondées mais on ne peut pas faire vivre une société de 70 personnes (et qui va recruter) en vendant des clés USB et des peluches Tux. Enfin, il l'a pas dit comme ça mais je ne crois pas trahir sa pensée. Dans le cadre d'un plan de continuation, continu depuis 2003, la société se concentre sur son métier d'éditeur et adopte une structure plus simple, avec une entité en France et une autre au Brésil. En France, les produits phare seront MDS et Pulse 2, pour la gestion des parcs de PC et de leurs utilisateurs, équivalent d'Active Directory pour le libre. Ce sera un modèle de vente indirect. "On va pas vendre du service à chaque utilisateur de MDS" résume Laprévote.

Au Brésil, le marché du PC de bureau Linux existe, contrairement aux pays les plus riches où il est resté à l'état de niche. D'après Laprévote, les grands magasins y vendent des PC pour moitié chargés avec une des nombreuses distributions Linux en compétition. Mandriva travaille avec un fabricant local, Positivo, qui livre plus de 7 millions de PC chaque année, dont un tiers sous Linux. En parcourant le site du constructeur (Ici) on trouve quelques PC Linux mais la plupart avec Windows. La raison de cette plus forte présence de Linux au Brésil est un mélange de politique volontariste d'équipement des administrations avec leur propre distribution et de taxation des produits importés, selon le PDG. Ce modèle se retrouve dans d'autres nouveaux pays riches. Heureux hasard, NGI, l'investisseur qui prend le contrôle de Mandriva, lui ouvre le marché russe en apportant un partenaire impliqué dans la maintenance logicielle d'écoles en Russie.

Mandriva participe à des projets de recherche qui pourraient avoir des retombées intéressantes, un jour, dans le cadre de cette stratégie d'éditeur. J'ai noté Helios, sur le cycle de vie des logiciels en source ouvert ; Aeolus, sur la gestion de la complexité des interactions entre composants des systèmes distribués (penser: nuage) et Scribo, pour l'extraction des connaissances avec une approche sémantique. Le bureau, l'interface KDE n'est pas pour autant oubliée, parce qu'il ne faut pas rater le train des tablettes, là où Windows brille encore par son absence. C'est sûr, je préférerais lire "1984" sur un logiciel libre qu'avec un Kindle.

lundi 13 septembre 2010

L'âge de l'accès, c'est aujourd'hui

Citroën C-Zéro, Cloud computing, Google, Vélib' ...

Quel rapport entre ces termes ? Une voiture électrique commercialisée en location, des infrastructures informatiques mobilisées à la demande, des services en ligne en perpétuelle transformation, un vélo virtuel toujours disponible ? Leurs utilisateurs ne les possèdent pas, ils en achètent l'usage momentané. La tendance n'est pas nouvelle. Elle a été très bien décrite par Jeremy Rifkin en 2000, dans son Âge de l'accès (traduction aux éditions La Découverte). Il y a dix ans, on pouvait déjà constater l'essor du modèle locatif. Des entreprises vendent leurs immeubles pour les louer ensuite, suivant leurs besoins. Des vendeurs de climatiseurs se muent en prestataires de confort climatique. La logique n'est pas seulement comptable et à court terme mais aussi économique, voire écologique. Le vendeur n'est plus tenté de fourguer le produit le plus cher (gros) mais le plus adapté et le plus fiable, puisque la location est tout compris. Avec les produits sus-cités, ça concerne encore plus de monde. À condition de bien gérer ses parcours, le vélo urbain est à 30 € par an. Est-ce cher ? Peut-être un vieux biclou rouillé revient à moins, mais celui-là personne ne l'utilise. Les centres de données récents sont des usines rationalisées, faites pour obtenir le coût le plus bas. Tout y concours : la conception de l'alimentation électrique, le refroidissement, la construction des machines, les architectures logicielles. J'ai entendu des DSI en convenir : "le service produit en interne ne peut pas s'aligner sur ces prix". Cette rationalité économique, l'automobiliste peut en faire l'expérience avec la location. Les voitures électriques de Citroën (C-Zéro) et Peugeot (Ion) coûteront respectivement 460 et 500 € par mois, sans l'entretien pour la première. Une petite voiture thermique coûte environ 400 € par mois sur sa durée de vie. La Ion et la C-Zéro peuvent parcourir jusqu'à 150 km avec un "plein" de 2 € d'électricité. Pas sûr cependant que la possession d'une voiture soit quelque chose d'accessible à la raison.

Rifkin n'est pas un optimiste béat. Dans le nouvel âge, toutes les expériences de la vie sont susceptibles d'être transformées en marchandises. Le marché tendrait à absorber la culture, la société. Et les entreprises qui contrôlent l'accès, les gatekeepers, les nouveaux brokers culturels, ont une puissance peut-être jamais vue.

jeudi 9 septembre 2010

Avant le tableur


"Tonton, on faisait comment avant OOo Calc ?" Les questions de ma nièce ont la logique implacable d'un tableur. J'ai exhumé de mes archives une publicité pour une calculatrice mécanique de poche, la Curta. J'avoue, j'ai été touché par la bauté retro-techno de l'objet, fabriqué entre 1948 et 1972. La publicité parue en 1957 dans le magazine Historia n°141, affirme que le bidule calcule 645 432 x 63 992 = 41 302 484 544 en 10 secondes. Pour tenter de vérifier cette allégation, j'ai essayé le simulateur en Flash sur Curta.org. Il m'a fallu presque une minute pour sortir le résultat mais on peut penser que la manipulation à la souris n'est pas la plus rapide. La Curta réalise les quatre opérations arithmétiques de base, ainsi que les racines. Le dessin évoque la clientèle. Un commercial en déplacement, un comptable dans un établissement industriel. Elle est promue comme un moyen de calcul personnel (Vous l'aurez toujours avec vous), tout comme le sera le tableur à partir des années 1985. Mais l'usage est professionnel. Son prix, non précisé dans cette publicité, se situait entre 50000 et 60000 Francs de l'époque. En début de carrière, un enseignant touchait 40000, un ingénieur 100000 par mois.