mardi 18 mai 2010

Comment les machines traduisent



Les résultats des traductions automatiques sont parfois assez baroques mais on a de moins en moins l'occasion d'en rire. Pourquoi ? Depuis quelques années, les machines à traduire profitent des progrès des moteurs de recherche pour
trouver la meilleure substitution entre des bouts de phrases dans une langue et leurs équivalents dans une autre. Les traducteurs professionnels s'aident d'outils fonctionnant sur ce principe, comme le logiciel OmegaT. Ce programme en Java permet de constituer un corpus d'éléments pré-traduits qui servent de première approximation à la traduction finale. Il s'agit d'une assistance à la traduction. Google Translate et consorts ne prétendent pas faire autre chose. Mais à l'échelle à laquelle ils travaillent, ils peuvent donner d'emblée de bons résultats. L'ennui avec les textes comme celui qui précède, c'est qu'ils sont traduits par une foules d'amateurs dans mon genre, qui s'inspirent beaucoup des autres mauvaises traductions. Et s'il n'existe pas sur le web de traductions de référence, que les algorithmes de Google pourraient identifier, comme un texte sur le site de l'Unesco ou de la bibliothèque du Congrès américain, il fait confiance à la médiocrité statistique.

Démonstration. J'ai pris le texte original de Martin Luther King, l'ai passé à Google Translate et soumis des extraits du résultat au moteur de recherche Google. Les premières réponses pointent vers des blogs, dont les illustrations kitchs sont une preuve suffisante du caractère amateur. La phrase: "I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice," donne une traduction littérale et plate. La répétition de sweltering (qui étouffe) n'est pas très heureuse en français. Je préfère utiliser une coordination et introduire l'image du désert, absente du texte d'origine mais qui résonne bien avec l'oasis dans la phrase suivante. Et surtout, le "I have a dream", une fois rendu en "j'ai un rêve", est contraire au bon usage du français. On dit "j'ai mal à la tête" mais on fait un rêve. La formule "j'ai un rêve" est grammaticalement correcte mais suggère une attitude rêveuse et passive qui ne correspond pas à celle d'un leader politique haranguant une foule. C'est ainsi que les humains traduisent.

lundi 17 mai 2010


On ne présente plus ce discours de Martin Luther King. Et pourtant, qui l'a jamais lu entièrement ? Je l'ai trouvé superbe et inspiré. Et aussi qu'il ne parle pas seulement de la lutte des Noirs dans les Etats-Unis des années 1960 mais de l'universalité de l'espoir. Il vaut pour bien d'autres luttes. Alors je l'ai traduit en français et ce fut un bonheur.

"I have a dream". Martin Luther King. 28 août 1963

Il y a un siècle, un grand américain dans l'ombre tutélaire duquel nous nous tenons aujourd'hui, signait la Proclamation d’Émancipation. Ce texte essentiel est venu comme une lumière d'espérance pour les millions d'esclaves Noirs qui avaient été marqués aux fers d'une injustice aride. Il est venu comme un matin de joie pour mettre fin à la longue nuit de la captivité. Mais cent ans après, les Noirs ne sont pas encore libres.

Cent ans après, la vie des Noirs est toujours tristement mutilée par les fers de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans après, les Noirs vivent dans un îlot de pauvreté perdu au milieu d'un océan de bien être matériel. Cent ans après, les Noirs languissent aux marges de la société américaine et se retrouvent comme des exilés dans leur propre pays.

Nous sommes venus ici aujourd'hui pour dénoncer cette vie de peur et d'oppression. En un sens, nous sommes venus à la capitale de notre nation pour encaisser un chèque. Quand les architectes de notre république écrivirent les mots admirables de la Constitution et de la Déclaration d'indépendance, ils signèrent une créance dont chaque américain devait être l'héritier.

Cette créance était promesse que tous les hommes seraient assurés des droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la quête du bonheur. Il est évident aujourd'hui, que l'Amérique n'a pas honoré cette promesse au moins en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d'honorer ses obligations sacrées, l'Amérique a donné au peuple noir un chèque en bois qui a été renvoyé avec la mention "provisions insuffisantes". Mais nous refusons de croire que la banque de la justice est en faillite. Nous refusons de croire qu'il n'y a pas assez de fonds dans les immenses réserves de possibilités de cette nation.

Nous sommes venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous offrira sur simple demande les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. Nous sommes aussi venu dans ce lieu providentiel pour rappeler à l'Amérique la violente urgence du présent. Il n'est plus temps de s'offrir le luxe de l'apaisement ni de prendre la drogue douce du gradualisme. Le temps est venu de s'élever hors de la vallée sombre et désolée de la ségrégation pour avancer sur le sentier ensoleillé de la justice pour toutes les races. Le temps est venu d'ouvrir les portes du possible à tous les enfants de Dieu. Le temps est venu d'arracher notre nation aux sables mouvants de l'injustice raciale et de l'établir sur le roc de la fraternité.

Il serait fatal pour notre nation de négliger l'urgence du moment et de sous-estimer la détermination des Noirs. Le terrible été de la colère légitime des Noirs ne finira pas sans que vienne un vivifiant automne de liberté et d'égalité. Mille neuf cent soixante trois n'est pas une fin mais un commencement. Ceux qui espéraient que les Noirs avaient juste besoin de faire retomber la pression et sont à présent satisfaits auront un réveil difficile si la nation revient à ses affaires habituelles. Il n'y aura ni repos ni tranquillité en Amérique tant que les Noirs n'auront pas obtenu leurs droits de citoyens.

Les tornades de la révolte continueront à secouer les fondations de notre nation jusqu'à ce qu'advienne le jour radieux de la justice. Mais je dois dire à mon peuple qui se tient sur le seuil accueillant du palais de la justice. Dans la marche pour gagner la place qui nous revient nous ne devons pas nous rendre coupable d'actes injustes. Ne cherchons pas à apaiser notre soif de liberté à la coupe de l'amertume et de la haine.

Nous devons toujours conduire notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser notre protestation créatrice dégénérer en violence physique. Encore et encore, nous devons nous élever sur les hauteurs majestueuses où s'égalent la force physique et la force de l'esprit. L'extraordinaire mouvement qui a soulevé la communauté Noire ne doit pas mener au soupçon à l'encontre de tous les Blancs car beaucoup de nos frères Blancs, comme le prouve leur présence ici en ce jour, se sont rendus compte que leur destinée est liée à la nôtre et que leur liberté est indissolublement liée à notre liberté. Nous ne pouvons marcher seuls. Et, dans notre marche, nous devons faire le serment que nous continuerons à aller de l'avant. Nous ne pouvons pas nous retourner en arrière.

Il y a ceux qui demandent aux dévoués à la cause des droits civiques: "Mais quand serez-vous satisfaits?" Nous ne serons pas satisfaits tant que nos corps, lourds de la fatigue du voyage, ne pourront trouver un répit dans les motels le long des routes et dans les hôtels au cœur des villes. Nous ne serons pas satisfaits tant que la seule mobilité pour les Noirs sera celle d'un petit ghetto vers un plus grand ghetto. Nous ne serons jamais satisfaits tant qu'un Noir du Mississippi ne pourra voter et qu'un Noir de New-York pensera qu'il n'a pas de raisons de voter. Non, non, nous ne sommes pas satisfaits et nous ne le serons pas avant que la justice coule comme la pluie et la droiture comme un fleuve puissant.

Je n'ignore pas que certains d'entre vous, pour venir ici, ont traversé de grandes épreuves et difficultés. Certains d'entre vous viennent juste de sortir d'étroites prisons. Certains d'entre vous viennent d'endroits où votre quête - celle de la liberté - vous a laissés battus par les orages de la persécution et ballottés par les vents de la brutalité policière. Vous êtes devenus les combattants de la souffrance créatrice. Continuez à travailler dans la foi que la souffrance non méritée est rédemptrice.

Retournez au Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Géorgie, retournez en Louisiane, retournez dans les bidonvilles, les ghettos de nos villes du nord, en sachant que cette situation peut changer et qu'elle changera. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir. Je vous dis aujourd'hui, mes amis, en dépit des difficultés et des frustrations du moment, je fais toujours un rêve. C'est un rêve enraciné dans le rêve américain.

Je fais un rêve qu'un jour cette nation se lèvera et suivra le véritable sens de son credo: "Nous tenons ces vérités comme d'évidence: que tous les hommes sont créés égaux". Je fais le rêve qu'un jour sur les collines rouges de Georgie, les enfants d'anciens esclaves et les enfants d'anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à une table de fraternité. Je fais le rêve qu'un jour, même l'état du Mississippi, ce désert étouffant d'injustice et d'oppression, sera changé en un oasis de liberté et de justice. Je fais le rêve que mes quatre enfants vivrons un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau mais sur la force de leurs qualités morales.

Je fais un rêve aujourd'hui!

Je fais un rêve qu'un jour, même dans l'état d'Alabama avec ses racistes dépravés, avec son gouverneur à la bouche dégoulinant des mots "interposition" et "annulation", sera changé en un lieu où les petits garçons et filles Noirs pourront donner la main aux petits garçons et filles Blancs et marcher ensemble comme frères et soeurs.

Je fais un rêve aujourd'hui!

Je fais un rêve qu'un jour toutes les vallées seront élevées et toutes les collines et les montagnes seront abaissées. Les endroits rugueux seront aplanis et les endroits sinueux seront rendus droits et la gloire de Dieu sera révélée et tous les vivants pourront la voir ensemble. C'est notre espoir. C'est la foi avec laquelle je retourne vers le sud. Avec cette foi, je pourrai extraire de la montagne du désespoir un caillou d'espoir. Avec cette foi nous pourrons changer la discorde de notre nation en une belle symphonie de fraternité. Avec cette foi, nous pourrons travailler ensemble, prier ensemble, lutter ensemble, aller en prison ensemble, nous lever pour la liberté ensemble, en sachant que nous serons libres un jour.

Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter avec un sens nouveau: "Mon pays, c'est toi, douce terre de liberté, je te chante. Terre où mes pères sont morts, terre de fierté des pèlerins, de tous les flancs des montagnes, faisons sonner la liberté". Et si l'Amérique doit être une grande nation, cela doit être vrai un jour. Alors faisons sonner la liberté du haut des prodigieux sommets des collines du New Hampshire. Faisons sonner la liberté du haut des sommets des Alleghenies de Pennsylvanie! Faisons sonner la liberté sur les rocheuses enneigées du Colorado ! Faisons sonner la liberté sur les monts arrondis de Californie ! Mais pas seulement là: Faisons sonner la liberté du haut du mont Stone de Géorgie ! Faisons sonner la liberté du haut du mont Lookout dans le Tennessee. Faisons sonner la liberté depuis chaque colline et chaque butte du Mississippi, de chaque flanc de montagne, faisons sonner la liberté.

Quand nous ferons sonner la liberté, quand nous la ferons sonner depuis chaque village et chaque hameau, depuis chaque État et chaque ville, nous pourrons hâter la venue de ce jour où Noirs et Blancs, Juifs et Gentils, Protestants et Catholiques pourront se donner la main et prier avec les mots de l'ancien Spiritual "Libres enfin ! Libres enfin ! Grâce en soit rendue à Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres !"