lundi 18 avril 2011

Quelques semaines avec Unity

Unity, une interface radicalement nouvelle pour Ubuntu Linux, encore plus simple.

Unity est la nouvelle interface installée par défaut sur les systèmes Ubuntu Linux à partir de la 11.04 qui sort à la fin de ce mois d’avril. Ce choix de Unity par Canonical, l’éditeur de Ubuntu, s’est fait au détriment de Gnome-Shell, l’interface développée par le projet Gnome pour la version 3.0 de cet environnement graphique. Pour justifier ce choix, des considérations techniques de compatibilité ont été avancées. Il y a peut-être aussi une volonté de ne pas se laisser dicter l’avenir de Ubuntu par les organisations à l’origine des composants d’une distribution Linux. Un cas frappant est le choix planifié de Wayland, alternative légère à X-Window, le système graphique superbe et sophistiqué hérité des années 1980. Canonical se donne ainsi une image de rénovateur, voire de révolutionnaire, prompt à introduire des technologies de rupture sur lesquelles il aurait la main. La stratégie dessinée consiste à simplifier GNU/Linux pour le sortir de son ghetto de geeks et toucher davantage de gens. Pour réussir ce pari, alors que le PC verrouillé sur Windows semble hors de portée, Canonical vise tous les appareils mobiles, téléphones et tablettes. Unity emprunte certains aspects aux interface des uns et des autres et Ubuntu s’installe d’office avec les composants nécessaires aux écrans tactiles (uTouch, Ginn…). Je ne vois pas là un hasard.

Unity est conçu à l’origine pour les petits PC portables avec des diagonales d’écran de 12 pouces et moins. Il est sensé s’adapter à des écrans plus confortables. Je n’ai pas eu ce loisir puisque mon écran est un vieux catho de 15 pouces, en 1024x768. J’ai installé la bêta de Ubuntu 11.04, par la mise à jour de la 10.10. Le bureau de cette dernière (Gnome 2.0) avait le défaut de gaspiller l’espace utile, en empilant un grand nombre d’éléments redondants dans le sens vertical, alors que les écrans sont plus larges que hauts.

Gnome 2.0 présentait deux fins panneaux, en haut et en bas. En haut, trois menus pour le lancement d’applications, l’accès rapide vers des emplacements (réseau ou répertoires) et les réglages, séparés en Préférences et Système. Et mis à part l’horloge-calendrier, divers indicateurs (messages, réseau) et un menu pour éteindre et redémarrer, l’espace de ce panneau est sous employé. En bas de l’écran, un autre panneau très similaire à la barre des tâches de Windows (95 à Vista), avec des boutons correspondant aux fenêtres ouvertes, presque vide la plupart du temps, archi-bourré de temps à autres. Enfin, les fenêtres d’applications comportent pas moins de quatre bandeaux horizontaux, la barre de titre avec ses trois boutons (min,max,close), une barre pour les menus et deux autres pour les icônes. Ça fait du monde.

Place nette.

Unity casse tout ça en fusionnant les fonctions. Un panneau vertical court sur la gauche de l’écran. Il sert à la fois de lanceur de programme et de sélecteur de fenêtre ouverte. Si on veut basculer sur une application avec plus d’une fenêtre ouverte, celles-ci sont exposées en miniature à la surface du bureau avec un bel effet 3D. Ce gros panneau s’éclipse dès qu’une fenêtre est maximisée et si la souris s’en est éloignée. En haut de l’écran, un fin panneau horizontal contient les indicateurs habituels à droite et un bouton Ubuntu à gauche qui est un raccourci vers les applications et les fichiers. Ce panneau supérieur remplace la barre des menus de la fenêtre active. Lorsque le pointeur le survole, les têtes de menus apparaissent et remplacent le titre de la fenêtre active. Il remplace aussi la barre de titre lorsqu’une fenêtre est agrandie, accueillant alors le titre et les trois boutons.



Le pour et le contre.

Sur un écran 15 pouces, l’espace gagné accroît le confort d’utilisation des applications, qui peuvent occuper tout l’écran. L’attention est moins distraite par divers éléments étrangers à la tâche en cours. Ce n’est pas parce qu’un ordinateur est multitâche qu’un humain est réellement capable d’effectuer plusieurs choses à la fois correctement. Tout n’est pas idéal cependant. Les têtes des menus de l’application active sont visibles seulement lorsque le pointeur survole le panneau supérieur, ce qui interdit de les explorer du seul regard. Il faut y aller avec la souris. Le titre de la fenêtre aurait pu trouver sa place dans l’espace perdu des barres d’outils ou en surimpression transparente. Ensuite, je trouve regrettable l’impossibilité de régler le comportement et la taille du panneau de gauche. Un panneau visible en permanence donne à voir les applications en cours et guide la bascule de l’une vers l’autre. Pourquoi en être privé lorsqu’on maximise une fenêtre d’application ? Sur mon petit écran, je maximise toutes les applications. Changer sans arrêt de programme n’est pas très efficace, ce n’est pas une raison pour limiter l’outil de bascule. On dirait là encore que la logique prévalant sur un PC est délaissée au profit de l’utilisation typique d’un téléphone ou d’une tablette avec multitâche limité.




Unity va changer certaines habitudes. Avec Gnome 2, l’accès à un emplacement du système de fichiers passait par un menu de raccourcis. Là, on clique sur l’icône de recherche de fichiers dans le panneau vertical. Apparaissent sur fond noir, les dossiers favoris, les fichiers récents et les téléchargements. Je ne comprends pas pourquoi cet outil est distinct du gestionnaire de fichier Nautilus. Ce dernier est-il promis à l’enfer par Canonical ?

Calquée sur le même patron que l’explorateur de fichiers, la recherche d’applications est moins réussie. Elle présente les programmes fréquemment utilisés, quelques applications installées et d’autres disponibles en téléchargement. On peut explorer l’ensemble des programmes installés mais sans notion de catégorie, la lecture de la liste est assez pénible. Les grosses icônes de ce fureteur se glissent dans le panneau et deviennent autant de raccourcis pour lancer le programme. Mais le panneau se rempli vite d’autant qu’il n’est pas possible de varier sa taille ni celle des icônes. Bon, là, je me répète.

La moindre latitude données à l’utilisateur de personnaliser son interface ennuiera le geek qui projette son ego sur sa machine. Le grand débutant, celui qui découvre l’informatique (il en reste), devrait en profiter. J’ai constaté que les anciens utilisateurs de Windows trouvent rapidement leurs marques avec Gnome 2 tandis que les nouveaux venus à l’informatique sont constamment déroutés par la multiplicité des menus contextuels et l’empilement des barres d’outils. Une interface débarrassée de ce qui ne sert pas à l’instant T bénéficiera à tout le monde… Jusqu’à un certain point.

jeudi 14 avril 2011

Complément d’enquête ou auxiliaire de justice ?

Six jours après la diffusion sur France 2 de Complément d’enquête du 28 février 2011, un des témoin intervenant dans l’émission est arrêté par la police. Il s’agit de «Karl», un pirate informatique qui avait dérobé des documents sur des sites de l’industriel Thales (ex-Thomson, société française d’armements) et faisait prospérer un commerce de cartes bancaires volées dans des systèmes informatiques d’hôtels et de commerces de luxe.

D’après le site d’information Zataz.com (http://www.zataz.com/news/21145/prison--hacker--hacktiviste.html), les journalistes ont aidés, involontairement sans doute, à cette arrestation. Sur l’écran du cracker filmé par l’équipe de tournage, un pseudo non effacé au montage aurait guidé les enquêteurs de la police. La version archivée sur le site de France 2 (http://www.dailymotion.com/video/xhcau7_internet-wikileaks-transparence-complement-d-enquete-2-5_news) ne comporte pas cette séquence mais cette fuite de pseudo est vraisemblabme. Dans le reste du reportage, on peut relever d’autres indices comme des lieux reconnaissables (un restaurant dans la tour Montparnasse), les logiciels utilisés, certains bouts de codes et même un mot de passe filmés à l’écran du pirate. À un moment, un autre pirate vérifie sur le site www.mon-ip.com que son adresse IP a bien été modifiée et on voit les deux premiers octets de l’adresse, la date et l’heure. Pris isolément, ces fragments ne servent à rien mais recoupés avec d’autres indices collectés du côté des serveurs attaqués (l’heure aide beaucoup ici), ils peuvent faire avancer une enquête policière.

On peut s’interroger sur les motivations troubles et l’hallucinante naïveté de Karl qui se vante de s’attaquer aux monstres froids avec des moyens dérisoires. Ensuite, cette triste histoire révèle la persistance d’idées fausses vis à vis des journalistes. D’après Zataz, Karl aurait trouvé le reportage injuste à son égard, en coupant certains passages qu’il jugeait importants. Il va l’apprendre à ses dépens, on ne maîtrise pas ce qu’un journaliste fait d’une interview qu’on lui accorde. Cette autonomie du journaliste est nécessaire à une démocratie et doit être acceptée même si ce n’est pas toujours facile d’accorder sa confiance.

De l'autre côté, il faut essayer de se montrer digne de cette confiance. Je trouve les confrères un peu légers sur la protection des sources et ils n’ont pas rendu un grand service à ceux qui voudraient approfondir ce sujet. Dans certains milieux, ce genre d'affaire médiatique est à même de déconsidérer toute la profession. Bon, d'accord elle l'est déjà mais c'est pas une raison pour en rajouter. Un conseil technique un peu pointu au moment du montage n’aurait pas été du luxe. Dans l’intérêt du droit à l’information, il faut protéger les sources, même contre leurs propres inconséquences.